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MES PARADIS

À tous les carrefours illuminés, des tables
Gigantesques, fumant de soupes délectables,
De viandes, moutons, porcs, bœufs, rôtis tout entiers,
De ragoûts dans des plats tels que des bénitiers,
Des gibiers les plus fins, des poissons les plus riches !
Et ces huîtres en tas qui crèvent les bourriches,
Ces cochonnailles, ces légumes, ces gâteaux,
Ces fromages, ces fruits, débordant des plateaux !
Et tout cela mangé dans de l’argenterie,
Aux lustres, aux bouquets d’une nappe fleurie.
Par le premier venu qui veut être traité !
Et partout la bombance, et partout la gaîté !
Car foudres et tonneaux, éventrés par centaines,
Ont en ruisseaux de vin changé l’eau des fontaines
D’où gicle, avec un jet de liquides paillons,
La pourpre éblouissante au muffle des lions.
Oui, de ces îles-là, folles et jubilaires,
Où règne le bon Roi des contes populaires
Avec ses deux enfants Rosemonde et Lindor,
Il en est que je sais, parmi les îles d’or ;
Et si j’ai dû les voir aussi, ces infidèles,
Prendre un jour loin de moi l’essor à tire-d’ailes,
Je dirai malgré tout, d’un cœur reconnaissant,
Les savoureux bonheurs qu’on y cueille en passant,
Et le los immortel de tes dons éphémères,
Bon Roi qui ris encore aux lèvres des grand’mères,