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seulement apparente, et qu’il en faut d’ailleurs, même au cas où elle serait réelle, chercher la raison dans ceci : à savoir que les Blasphèmes furent écrits de vingt à trente ans, et Mes Paradis de trente à quarante, voire un peu au delà. Mais la sincérité fut égale et entière ici et là, j’espère que les sincères le reconnaîtront.

Ceux qui ne le sont pas, je n’en ai cure. Pharisiens de la pensée ou chicaneurs de la forme, ils ne m’intéressent point et je suis aussi insensible à leurs critiques qu’à leurs éloges. J’emploie de mon mieux les dons que je puis avoir, en les fécondant de toutes mes forces par le travail. Quant à mettre le public dans le secret de ce travail, non ! Quant à rédiger des manifestes, jamais ! J’aime trop, pour cela, mon indépendance et je respecte trop celle des autres. Que chacun aille à sa guise et qu’on me laisse aller à la mienne ! Toutes les guises sont bonnes, dont l’effet est bon. Ce que valent nos efforts à tous, on le saura seulement quand nous n’y serons plus. Suffit que nous nous efforcions, tandis que nous y sommes, vaillamment et loyalement.

J’ai eu un très vieux grand-oncle qui, à quatre-vingt-dix ans passés, quand on lui demandait de ses nouvelles, vous répondait en souriant :

— Faï meis obres, faï ma bisougno.