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nivôse


Tous les regrets amers de nos belles années
Y fleurissaient partout en fleurs empoisonnées
Aux fentes du pavé ;
Je ne pouvais plus faire un pas hors de ma porte
Sans voir le corbillard de l’Espérance morte ;
Et je me suis sauvé.

Je me suis sauvé, faible et désertant la lutte,
Sans oser regarder mon mal, comme une brute
Qui cache ses yeux clos.
Je me suis évadé loin de vous et du monde.
Entre Paris et moi j’ai mis la mer profonde,
La mer et tous ses flots.

Mais le noir souvenir m’a suivi sans relâche.
J’emporte mon remords, comme un assasin lâche
Qui se serait enfui
Laissant un corps saigner au coin de quelque haie
Et qui croirait ouïr les lèvres de la plaie
Crier derrière lui.

Pourtant, je pensais bien avoir trouvé l’asile.
Je me suis enterré dans le calme d’une île
Ainsi que dans un trou.
Je ne vois plus le rire ironique de l’homme,
Je n’entends plus mentir la femme, et je vis comme
Dans son arbre un hibou.