Page:Richepin - Les Caresses, Charpentier, nouv. éd.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
brumaire


Ta vas, tu les prends d’assaut,
Et tu mords leur nerf qui vibre,
Et tu bondis, et d’un saut
Tu leur fais grincer la fibre ;

Et pleurant à pleine voix,
Pour si peu que tu le veuilles,
Les cordes, l’âme et le bois,
Tremblent ainsi que des feuilles.

À force de t’amuser
En caprices trop agiles,
Tu finiras par user
Les pauvres cordes fragiles.

Rompu comme un vieux tremplin,
Déjà le bois perd sa force,
Et sur l’âme qui se plaint
Il se fend comme une écorce.

Un jour, sous un dernier coup,
La merveilleuse machine
Entre tes doigts et ton cou
Laissant craquer son échine,

Dans un tradéridéra
Ou quelque autre galipète
L’instrument éclatera
Comme une bulle qui pète.