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thermidor


La femme de nos vœux est courtisane et sainte,
Un mélange infernal d’eau bénite et d’absinthe.

Nous cherchons le poison subtil et l’art nouveau
Qui nous crispent les sens, les nerfs et le cerveau.

Nous sommes dégoûtés de l’épouse placide
Dont le baiser n’est pas rongeant comme un acide.

Vos amours, ô bourgeois, sont des fromages mous :
Le nôtre, un océan d’alcool plein de remous.

Dans ce malström vorace et noir voguons sans trêve
Vers le ciel fantastique où fleurit notre rêve !

Tout le vieux monde, ainsi qu’une vieille liqueur
Rance au fond d’un flacon, nous fait lever le cœur.

Notre espoir, dédaigneux des paradis antiques,
Est en route pour des pays transatlantiques.

Là-bas, c’est le sol neuf, étrange, absurde, fou !
Nous voulons le trouver, nous ne savons pas où.

Mais nous fuyons l’amour ancien comme une geôle,
Et notre âpre débauche a l’inconnu pour pôle.