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du Chev. Grandisson

la passion que je suppose, il auroit trouvé des expédiens pour lever tous les obstacles. Il auroit fait, depuis plus d’un an, les sermens inviolables à sa belle Italienne !

Cependant, l’auroit-elle aimé comme moi ! Auroit-elle rapporté tous ses soins, tous ses mouvemens, toutes ses pensées, à lui plaire ! Auroit-elle craint de lui déplaire, comme on tremble d’offenser le Ciel même ! Ses caprices reconnus, ses opiniâtretés, ses absences d’esprit… que de raisons d’en douter !… Mais je m’égare, ma chere Tante. J’oublie, & j’en meurs de honte, que l’aimable Clémentine est quitte des infirmités que j’ai l’injustice de lui reprocher, qu’il ne lui en reste que des vertus & des charmes, & qu’elle mérite plus que moi le trésor que je possede. J’oublie que je suis heureuse, que Sir Charles est à votre Henriette, comme elle est à lui, & que la mort seule peut nous ravir l’un à l’autre ! D’où m’est donc venue cette petite chaleur, que j’ai peine moi-même à comprendre ? N’est-ce pas que la fierté d’une femme augmente avec la certitude de son bonheur, & qu’elle hait jusqu’au souvenir des doutes, qui ont fait son tourment dans un état moins tranquille ? Je suis prête à signer de mon sang, que j’ai pour Clémentine une tendresse de Sœur : mais je vois assez de mes propres yeux qu’elle est fraîche & belle ; & pourquoi me rappeller ce qu’elle étoit il y a deux ans ? Peut-être en ferai-je quelque jour mes tendres plaintes à