Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 4, 1763.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
du Chev. Grandisson

voue, devant mes plus chers Amis, & tous ceux qui s’y intéressent en doivent être informés, que la justice que je dois au Comte en est une. Ne serois-je pas une Malheureuse, d’accorder ma main à un Homme, qui n’a pas, dans mon cœur, la préférence qu’une Femme doit à son Mari ? Et lorsque je me suis crue obligée d’en refuser une par considération pour lui-même, ne le suis-je pas à la même justice en faveur d’un autre ? En un mot, j’ai refusé de punir le Chevalier Grandisson, & vous savez tous mon histoire : qu’a fait le Comte de Belvedere, pour mériter qu’on le punisse ? Contentez-vous, Monsieur, de mes vœux pour votre bonheur. Je me sens quelquefois encore, dans un très-fâcheux état ; & le passé n’a que trop vérifié la nature du mal. Pendant que j’ai cette opinion de moi-même, l’honneur, la justice, doivent m’attacher au Célibat. Mon respect, pour mes plus chers Parens, m’a fait abandonner un projet qui flattoit mes inclinations : il ne reste qu’à me rétablir par les voies qu’ils approuvent… Ma très-chere maman, (en se laissant tomber à genoux, malgré elle) je vais m’efforcer de rendre tous mes Amis heureux. Priez tous pour moi, mes chers Amis !… (en regardant autour d’elle, & ses larmes coulant à grosses gouttes) Accordez-moi vos prieres, Monsieur : je vous promets les miennes ; & dans les plus ardentes, je demanderai pour vous au Ciel, une Femme plus digne de vous, qui vous rende toute la justice que vous méritez.