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du Chev. Grandisson.

m’avez entendu nommer si souvent la premiere des Femmes.

Nous pleurions toutes deux ; mais ses larmes paroissoient venir de tendresse & d’estime. J’ai mis, sur son bras, la main que je n’avois pas dans la sienne. Le courage me manquoit, ou du moins, il étoit lié par mon respect, qui ne me permettoit point d’être assez libre pour l’embrasser une seconde fois : Croyez-moi, Mademoiselle, (pardon pour le peu d’usage que j’ai de votre langue), j’ai répété souvent, mille fois répété qu’heureuse comme je suis, votre bonheur est nécessaire pour la perfection du mien.

Tant de bonté pour une Étrangere, pour une Fugitive… Ô Mylady Grandisson ! tout ce qu’on m’a dit de votre ame doit être vrai, comme je vois la vérité de tout ce qu’on m’a dit de vos charmes. Recevez mes félicitations, mes remercimens, pour avoir fait le bonheur de l’homme qui mérite le plus d’être heureux. Il étoit mon Frere, Madame, avant qu’il vous ait connue : permettez que je conserve le titre de sa Sœur, & faites-moi la grace de me l’accorder aussi.

Sir Charles, Mademoiselle, croit trouver de l’alliance entre nos ames. C’est me faire honneur. Si l’avenir me fait paroître avec autant d’avantage à vos yeux, que tout ce que je sais de vous vous en donne aux miens, je serai la plus heureuse des Femmes.

Vous le serez donc. J’étois préparée à vous aimer. Je crois déja sentir que je vous aime, avec une passion que l’avenir ne peut au-