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du Chev. Grandisson.

sieur, conduisez-moi…

Elle n’est pas non plus sans quelque émotion. Elle se dispose à vous voir. La tendresse, la compassion agissent fortement sur son cœur. Je vais l’avertir.

Mylady L… est passée auprès d’elle. Sir Charles est venu à moi, & me trouvant sur la même chaise : D’où vient donc cet embarras ? Vous verrez une Femme que vous ne sauriez craindre, & que vous serez forcée d’aimer. Elle a ressenti les mêmes agitations. Souffrez que je vous conduise…

Non, Monsieur, ce seroit l’insulter…

Ma très-chere vie, n’oubliez point ce que vous vous devez (j’ai tressailli) ; & ne me relevez pas trop aux yeux d’une personne, qui, comme vous, est toute ame. Ma gloire est dans ma femme : Je ne puis manquer à moi-même.

Ce langage m’a causé un peu d’effroi dans le moment ; mais après notre retour, & lorsque je me suis trouvée seule avec lui, j’y ai reconnu tout-à-la-fois de la grandeur & de la bonté.

Il m’a introduite. Mylady L… est restée à sa priere. La noble Étrangere s’étant avancée vers moi, je me suis hatée d’aller à elle, les jambes tremblantes. Sir Charles nous a baisé la main à toutes deux, & les a jointes ensemble : Sœurs en vertus, comme je vous ai mille fois nommées ! couple cher & respectable ! aimez-vous l’une l’autre, autant que je vous admire toutes deux.

Elle m’a jetté ses deux bras autour du