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du Chev. Grandisson.

Souvent, Monsieur, reprit Laura, souvent je l’ai conjurée à deux genoux de prendre une plume & de vous écrire. Mais elle n’avoit pas toujours la tête assez tranquille, pour se déterminer ; & lorsqu’elle devenoit plus calme, elle me disoit qu’elle craignoit de vous voir ; que vous n’approuveriez point sa téméraire démarche, & qu’elle ne pourroit supporter votre mécontentement. Elle se reprochoit sans cesse de s’être engagée dans une folle entreprise. Si vous vous étiez trouvé à Londres, Édouard auroit pris des informations de loin, & peut-être auroit-elle consenti à vous voir ; mais pendant plusieurs jours sa tête n’a pas été assez composée pour écrire. Cependant l’impatience d’apprendre des nouvelles de sa Famille, l’a forcée enfin de demander une plume.

Pourquoi demeure-t-elle si long-temps absente ? Allez, chere Laura, & dites-lui que j’attends l’honneur de la voir.

Laura étant sortie, je vis bientôt paroître sa Maîtresse, la vue baissée & d’un air de dignité timide. Je m’empressai d’aller au-devant d’elle… Ma Sœur, mon Amie, ma très-chere Clémentine (en baisant sa main), quelle joie, je le répete, de vous voir en Angleterre ! Regardez donc votre Frere ! Votre Protecteur ! Honorez-moi de votre confiance. Acceptez ma protection. Votre honneur, votre repos, me sont aussi chers que ma propre vie.

Elle trembloit, elle soupiroit, & sa langue demeuroit sans mouvement. Je la conduisis