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Histoire

dans le récit qu’elle me fait des avantures de son voyage, ne confirme que trop l’égarement de son esprit. Je vous enverrai la Lettre même, aussi-tôt qu’elle m’aura permis de la voir, & que j’aurai pu lui faire accepter ma protection. Cette lecture vous affligera, du moins jusqu’à d’autres éclaircissemens qui pourront nous donner de meilleures espérances. Il y a déja dix jours qu’elle est en Angleterre. Je lui écrivis sur-le-champ, pour lui demander la permission de la voir.

Elle témoigne, dans sa Lettre, une généreuse joie de notre bonheur, & de toutes les perfections qu’elle entend vanter, dit-elle, dans le cher objet de mon immortelle tendresse. Au milieu de ses touchantes évagations, elle conserve la grandeur d’ame qui a toujours distingué son caractere. Elle souhaite de vous voir, mais sans être connue.

Peut-être ne me seroit-il pas difficile de trouver son logement ; mais elle attend de mon honneur que je n’entreprendrai pas de le découvrir. Clémentine veut être scrupuleusement respectée : dans sa situation, il faut la flatter, & la contredire le moins qu’il est possible. L’excessive opinion qu’elle a de moi, lui fait craindre de s’être avilie à mes yeux ; elle paroît sensible à tout ; & quelquefois elle s’égare dans les minuties. Cependant je ne suis pas sans espérance de la ramener à elle-même. Il ne me paroît pas que sa raison soit profondément blessée. Que le Ciel me rende capable de calmer un cœur si noble !