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du Chev. Grandisson.

qué pour elle de justice & de reconnoissance si je n’avois pas mis sa fermeté à toutes sortes d’épreuves ; & je me croirois plus coupable encore, si je vous avois fait l’ouverture de mes sentimens sans avoir reçu de sa propre main la confirmation des siens, depuis mon retour en Angleterre. Mais s’ils pouvoient varier, & si cet incident vous faisoit suspendre votre détermination en ma faveur, qu’arriveroit-il ? Qu’aussi long-tems que je vous verrois incertaine, je ne serois le Mari d’aucune Femme au monde.

Je me flatte, M. que mon discours n’a rien d’offensant pour vous. Je ne m’attendois pas à une conclusion si sérieuse. Mais voici la mienne : Épargnez-moi le chagrin de penser que mon bonheur puisse faire l’infortune d’une femme que je mets au-dessus de moi, & tous mes efforts seront employés à faire celui du seul Homme qui peut faire le mien.

Il m’a serrée dans ses bras avec une ardeur… qui ne m’a pas déplu, lorsque j’y ai fait réflexion, mais qui m’a causé d’abord une émotion fort vive. Ensuite il m’a remerciée, un genou à terre. J’ai tendu la main pour le relever, il l’a reçue comme une faveur, il l’a baisée avec passion ; & se levant, il a pressé ma joue de ses levres. L’excès de ma surprise ne m’a pas permis de le repousser. Mais dites, ma chere, n’a-t-il pas été trop libre ? Dites, je vous le demande encore une fois. Il faut que je vous dise moi-même d’où me vient ce doute. Votre Frere m’ayant quittée, je n’ai rien eu de si pressant