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du Chev. Grandisson.

de Dublin une jeune fille, d’environ seize ans, sous prétexte de visiter deux vieilles Tantes, qui faisoient leur demeure à Londres. Elle avoit toujours vécu dans l’innocence ; mais ses parens Irlandois, gens sans vertu, avoient si peu pensé à lui en inspirer, qu’ils l’avoient élevée, au contraire, dans l’idée que ses agrémens naturels serviroient quelque jour à sa fortune, & n’avoient pas cessé de lui répéter qu’elle n’en devoit pas attendre d’autre. M. Filmer, dans toutes les occasions qu’il avoit de voir Sir Thomas, lui vantoit la beauté de Miss Orban, & surtout son innocence, qui est un attrait puissant pour les libertins. Le Chevalier Baronnet, qui suivoit de bonne-foi ses nouvelles idées, se contenta d’abord de prêter l’oreille à ces artificieuses insinuations. Enfin la curiosité lui fit souhaiter de rendre une visite aux deux Tantes. La Niece n’étoit point absente. Sa beauté répondoit aux éloges de Filmer. Sir Thomas la vit plusieurs fois, & prit pour elle une si vive passion, qu’il ne dissimula point à son Intendant, qu’il ne pouvoit vivre sans elle.

On ne pensa qu’à tirer avantage de son aveuglement. Il offrit des conditions brillantes ; mais, pendant quelque tems, les vieilles Tantes ne voulurent entendre parler que de mariage. Sir Thomas avoit vécu trop long-tems dans le monde, pour devenir aisément leur dupe. Cependant on lui fit des propositions, desquelles on parut de-