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Histoire

mon honneur est libre : c’est ce que je pense de ma situation. Lorsque vous aurez vu tout ce que le Docteur Barlet peut vous communiquer, vous jugerez plus aisément du fond & des circonstances. Il n’y a point de femme au monde, dont l’estime me soit plus précieuse que celle de Miss Byron.

Ce que je viens d’entendre, lui ai-je dit, ne suffiroit-il pas à tout le monde, pour souhaiter que la malheureuse Clémentine… Ah, Lucie ! la voix m’a manqué. J’allois me noircir d’une fausseté. Cependant ne devois-je pas être capable, au fond du cœur, d’achever ce que je voulois dire ? Comptez, chere Lucie, que l’amour rétrécit le cœur. Je l’ai vérifié par des expériences répétées. Ne m’a-t-on pas toujours crue bonne, généreuse, supérieure aux petits détours de l’amour-propre ? Que suis-je à présent ?

Enfin, Mademoiselle, a-t-il repris… & sans continuer lui-même, il alloit prendre ma main, mais d’un air qui sembloit marquer de l’embarras, avec une tendresse qui parloit dans ses yeux, un respect qui étoit répandu dans toute sa contenance… Il n’a fait que la toucher néanmoins ; & retirant la sienne, que dirai-je de plus, Mademoiselle ? Je ne sais ce que je dois ajouter. Mais je vois que vous êtes capable de me plaindre. Vous plaignez aussi la malheureuse Clémentine. L’honneur me défend… cependant l’honneur m’ordonne… mais je ne puis être injuste, ingrat, intéressé ! Il s’est levé de sa