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du Chev. Grandisson.

surez-vous : Parti pour jamais ! Oh ! non, non ! »

Qui donc, Mademoiselle ? lui dit sa Femme de Chambre. À qui parlez-vous ?

Elle continua : « Nous lui avons, sans doute, de grandes obligations. Sauver si généreusement mon Frere ; poursuivre les Assassins, & comme mon Frere le raconte, le mettre dans sa propre voiture, pour le suivre à pied… Les Brigands, comme vous dites, pouvoient l’assassiner lui-même. Leurs Chevaux auroient pu l’écraser sous leurs pieds. »

Elle paroissoit toujours prêter l’oreille, comme si quelqu’un lui eût parlé de loin. La femme de Chambre passa devant elle, ouvrit la porte du cabinet, & la laissa ouverte, pour détourner son attention en rompant le cours de ses idées. Mais elle ne laissa point de se baisser encore, comme pour ne rien perdre de ce qu’on lui disoit, & de répondre tranquillement à ce qu’elle croyoit entendre. Ensuite, poussant un éclat de rire forcé : « De l’amour ! Hà ! l’idée est plaisante ! On ne se trompe pas, néanmoins, si l’on veut dire que je chéris tout le monde, & plus que moi-même. »

L’inquiétude fit prendre ce moment à sa Mere, pour entrer dans sa Chambre. Elle se leva d’un air empressé, elle ferma la porte du cabinet, comme pour y enfermer quelqu’un ; & se jettant aux pieds de la Marquise, elle la supplia de lui accorder une