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Histoire

par sa beauté, prit sur lui un ascendant, contre lequel mes avis & ses promesses n’eurent pas la force de le défendre. Je lui en fis des plaintes. Je le rappellai à sa parole. Il s’offensa d’une liberté pardonnable à l’amitié ; & l’aveuglement de sa passion le faisant sortir de son caractere naturel, il s’emporta jusqu’à défier outrageusement son Ami. Cher Jeronimo ! Avec quelle générosité a-t-il reconnu, dans un autre tems, la conduite que je tins alors avec lui ! Nous nous quittâmes pour la seconde fois, dans la résolution de ne nous revoir jamais.

Il suivit l’avanture qui avoit causé notre séparation ; & quelques mois se passerent dans cet oubli de lui-même. Un autre Amant de la même Dame, jaloux d’une si longue préférence, entreprit de se défaire de son Rival par une voie trop ordinaire en Italie ; & prenant le tems d’un voyage, auquel ses affaires l’obligeoient, il loua quelques Bandits de Bresce pour l’assassiner. Cet attentat fut exécuté dans le Cremonois. Ils l’attendirent dans un petit Bois, à peu de distance du grand chemin. Une de ces rencontres, qu’on nomme vulgairement d’heureux hazards, mais qui reçoivent un meilleur nom de ceux qui reconnoissent une Providence, me fit passer dans le même tems sur cette route, avec deux Valets qui couroient devant ma Chaise. J’apperçus un cheval effrayé, qui traversoit le chemin, sa bride rompue, & la selle ensanglantée. Ce spectacle me faisant