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du Chev. Grandisson.

je ne sais pas d’où elle vient. Si je le savois, je vous le dirois, Mademoiselle. Mais j’ai quelquefois des palpitations de cœur, qui me coupent la respiration, je n’y comprens rien. Je me sens ici comme un poids, qui me fait soupirer ; & mes soupirs me font plaisir, apparemment parce qu’ils me soulagent. D’où cela peut-il venir ? (elle s’arrêta en me regardant.)

Continuez, ma chere. Votre description est charmante.

J’acheverai volontiers. Si quelqu’un s’empresse, comme il est arrivé la derniere fois à ma femme de chambre, de me venir dire, Miss, Miss, Miss, votre Tuteur est arrivé ; je tombe aussi-tôt dans une agitation ! Il me semble que mon cœur s’enfle, jusqu’à ne pouvoir tenir dans mon sein. Je suis forcée de m’asseoir, & l’haleine me manque, comme si j’avois monté, en courant, par un chemin difficile. Pendant une demie-heure entiere, je demeure si tremblante, que je n’ai pas la force d’aller au-devant de mon Tuteur, quoique je sois fort impatiente de le voir. Et puis, l’entendre, qui me plaint d’un ton si doux d’avoir une malheureuse Mere ; qui m’appelle son Émilie… Ne trouvez-vous pas que le son de sa voix est d’une douceur extrême ? La vôtre est si douce aussi, Mademoiselle ! Tout le monde dit que dans vos plus simples discours, votre voix est d’une mélodie… Anne m’assure alors…