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du Chev. Grandisson.

douzaine de duels. Je lui ai présenté la main, qu’elle n’a pas refusée, & je l’ai conduite à sa chaise. Nous nous reverrons demain, m’a-t-elle dit d’un air menaçant, & peut-être serai-je accompagnée du Major. Je ne lui ai marqué mon mépris que par mon silence. Vile & scandaleuse femme !

Il ne faut pas, mon cher Docteur, qu’il vous échappe un mot de cette avanture devant Émilie. Je crois qu’elle ne doit la voir qu’en ma présence. Les propos injurieux de cette mauvaise Mere lui causeroient une frayeur mortelle, comme il est arrivé la derniere fois. Mais peut-être ne la reverrai-je point, d’un mois ou deux. Comme j’ai le pouvoir de lui faire une pension annuelle de cent, ou deux cens guinées, à ma discrétion, & suivant la satisfaction que j’aurai de sa conduite, son Mari, si elle est mariée réellement, qui n’a pu l’épouser que par ce motif, ne souffrira point qu’elle s’expose à des réductions chagrinantes ; car vous savez que je l’ai payée jusqu’à présent sur le pied de deux cens guinées. La menace, qu’elle m’a faite en partant, n’est peut-être qu’un badinage, par lequel elle a cru m’embarrasser. C’est une Coquette des plus folles, que son goût pour l’intrigue ramene toujours à l’artifice.

Je reçois, dans ce moment, votre Lettre de ce matin, & j’y trouve un article fort intéressant. Vous me faites entendre que mes Sœurs, quoique mes absences soient