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Histoire

comme vous le voyez, que le devoir de la justice. Je n’ai rien donné qui m’appartînt, avant le pouvoir dont ce Testament m’a revêtu ; & peut-être a-t-il été remis entre mes mains, comme une nouvelle épreuve de l’intégrité de mon cœur. Mais quelle est notre foiblesse, mon cher Ami, si nous sommes capables de nous faire un mérite, & un sujet de joie, d’avoir évité une mauvaise action !

En nous quittant, j’ai prié les deux Freres de m’informer du succès de leurs négociations ; & je leur ai dit que, de quelque maniere qu’elles puissent tourner, je prendrois la voie la plus courte pour faire remettre entre leurs mains & celles de leur Sœur, tous les titres qui peuvent leur assurer la possession de ce qui n’appartient plus qu’à eux. Ce n’est pas sans peine que je les ai forcés au silence. Leur Sœur a pleuré encore ; & lorsque j’ai quitté sa main, en prenant congé d’elle, elle a pressé aussi la mienne, mais avec une modestie & les marques d’une douce confusion, qui montroient que la reconnoissance, dont son cœur étoit pénétré, l’élevoit au dessus des formalités de son sexe. Le bon Procureur, aussi touché que s’il avoit eu part au bienfait, a joint ses bénédictions à celles des deux freres.

Vous savez à présent, mon cher Docteur, quelles ont été mes occupations ce soir. Ce n’est pas le tems de ma vie que j’ai le plus mal employé.