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Histoire

Elle m’ont fait des complimens très-flatteurs, qui l’auroient été bien plus réellement, s’ils étoient venus de la part de leur Frere.

Qu’en dites-vous, chere Lucie ? Croyez-vous que si Sir Charles avoit quelque vue, il eût fait de moi un éloge si magnifique à ses Sœurs, avant que de m’avoir fait la moindre ouverture de ses sentimens ? J’en juge par moi-même. Il y a tant de ressemblance entre les hommes & les femmes, qu’en mettant à part la tyrannie de l’usage, on peut généralement deviner les dispositions d’un sexe par celles de l’autre, dans les affaires où le cœur est intéressé. Avec quelle politesse n’ai-je pas parlé vingt fois de M. Orme & de M. Fouler ? N’ai-je pas loué la bonté de leurs caracteres, & déclaré que mes sentimens pour eux alloient jusqu’à la pitié ? Pourquoi, ma chere ? Parce qu’il n’y entroit qu’une espece de civilité plus vive, que je croyois due à leur mérite, & dont je ne craignois pas de suivre le mouvement. Je m’imagine que j’entends mieux aujourd’hui, que je ne le faisois alors, quelles étoient les vues de M. Greville, lorsqu’il me pressoit instamment de lui déclarer que je le haïssois. Le Tartuffe ! Il sait que les rebuts d’une Femme, en amour, donnent plus d’importance qu’elle ne veut, à l’homme pour lequel elle a cette sorte d’attention.

Mais quel plaisir puis-je prendre à me tourmenter ? Ce qui est réglé par la Provi-