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du Chev. Grandisson.

d’une Famille honorable ; mais il y avoit tant à dire en faveur des inclinations de ma Sœur ; la naissance, le rang, les titres étoient si différens, & si fortifiés d’ailleurs par les liaisons de Mylord avec mon Frere, qu’un engagement téméraire me paroissoit un opprobre. Il me sembloit que la femme du Capitaine Anderson ne devoit s’attendre qu’à la pitié, ou peut-être au mépris. Et puis quels sont mes droits, me disois-je à moi-même, lorsque je me permettois de faire une réflexion sérieuse, pour donner à mon Pere, un Fils, à mon Frere, à ma Sœur, à Mylord L… si ma Sœur l’épouse, un Frere, qu’ils n’auroient jamais choisi, & qu’ils prendront peut-être le parti de désavouer ? Les condamnera-t-on de rejetter cette alliance ? Et Charlotte Grandisson, fille de la plus prudente des Meres, fera-t-elle une démarche qui va la faire passer pour la honte de sa famille ? Se mettra-t-elle dans l’obligation de suivre la fortune d’un Soldat, de quartiers en quartiers, & peut-être dans des régions éloignées ? Ces raisonnemens, dont je sentois la force, ont été la seule cause qui m’a toujours empêchée de m’ouvrir à ma Sœur. Je voyois trop l’extrême avantage que son choix avoit sur le mien. Depuis ces dernieres semaines, j’ai pensé plusieurs fois à décharger mon cœur dans le sein de notre chere Miss Byron ; & c’est un des motifs qui m’ont fait accepter votre invitation, Mylord, lorsque vous m’avez assurée qu’elle