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sable, si ce n’est l’autorité souveraine, qui n’était certes pas sans comprendre l’importance de la colonisation, mais qui s’est acquittée de ce soin avec la légèreté et l’inconstance qui caractérisaient tous ses actes.

« Lorsque je compare la fin des guerres de l’Europe depuis cinquante ans, écrivait M. d’Avaugour, en 1663, et le progrès qu’en dix ans l’on peut faire ici, non seulement mon devoir m’oblige, mais il me presse d’en parler hardiment. La France peut en dix ans et à moins de frais s’assurer en Amérique plus de puissance réelle que ne sauraient lui en procurer toutes ses guerres d’Europe[1]. »

  1. Ces mots sont extraits d’un mémoire que d’Avaugour présenta au ministre Colbert le 4 août 1663.

    Pierre du Bois, baron d’Avaugour, succéda à M. d’Argenson comme gouverneur et lieutenant-général de la Nouvelle-France, en 1661. C’était « un homme de résolution et d’une grande droiture, dit Charlevoix ; mais il s’en picquait trop et ne sçavait pas se replier. » Il avait fait la guerre en Hongrie avec grande distinction. D’Avaugour fut relevé de ses fonctions et remplacé par M. de Mésy, en 1663. Il parut fort content de son rappel qu’il avait demandé lui-même, et rentra bientôt après dans le service de l’Empereur contre les Turcs et fut tué l’année suivante en défendant avec beaucoup de gloire le Fort de Serin sur les frontières de la Croatie (1663.) — D’Avaugour eut des démêlés regrettables avec Mgr de Laval, au sujet de la traite de l’eau de vie. C’est sous son administration, le 5 février 1663, que se produisit, dans presque tout le Canada, une forte secousse de tremblement de terre, suivie de plusieurs autres plus faibles, qui se succédèrent à différents intervalles jusque vers le mois d’août ou de septembre. L’administration de d’Avaugour est remarquable par les innovations qu’elle opéra dans la colonie. C’est le 25 juillet 1663 qu’il se rembarqua pour la France. Il contribua beaucoup, par son énergie et par ses remontrances, à décider le Roi à établir au Canada un régime plus favorable ; il fit dissoudre la Compagnie de la Nouvelle-France ; l’acte de cession et d’abandon des Associés fut passé le 24 février 1663 et accepté au mois de mars suivant. D’Avaugour présenta à Colbert un Mémoire de la colonie de Québec, Plaisance, Gaspé et Cap-Breton, dans lequel il conseillait de s’établir fortement en Canada, à Québec surtout : d’envoyer trois mille soldats, choisis non seulement pour la guerre, mais aussi pour le travail, et de les coloniser sur des