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dant vingt ans, sans repos ni trêve, sur terre comme sur mer, il n’y eut que dévastations, pillages, surprises et embûches. Si l’on attaquait un fort et que l’assaut fut couronné de succès, alors la population que ce fort protégeait était massacrée parfois par les vainqueurs ; le plus souvent, une bande de sauvages alliés de la France profitait de la nuit pour s’abattre sur un fort sans défense : ceux qu’ils faisaient prisonniers étaient gardés en vue d’un échange ou d’une rançon. Par des avantages séduisants offerts aux flibustiers et des primes données à quiconque pourrait exhiber des chevelures d’indiens, l’on surexcita tellement l’appât du gain qu’il surgit des organisations dont le but était la maraude, le pillage et le massacre : occupations dangereuses qui provoquaient souvent de terribles représailles ; et cependant il ne manquait jamais d’hommes assez rapaces et en même temps assez hardis pour remplacer ceux que le sort avait fait disparaître à la fin de l’une ou de l’autre de ces aventures tragiques. En pareilles occurrences, l’homme civilisé se montre souvent supérieur au sauvage en cruauté ; et nous relevons au cours de ces événements des actes de basse trahison et de barbarie, commis par des blancs, qui n’ont pas été dépassés ni peut-être égalés par aucune des tribus indigènes. Il n’est pas douteux que les colons anglais n’aient été vivement provoqués à rendre mesure pour mesure ; les sauvages prenaient tous parti pour les Français, et il était difficile de ne pas tenir ceux-ci solidaires des sanglantes incursions auxquelles se livraient leurs alliés. C’était une nécessité de l’époque que les barbares figurassent dans les luttes que se livraient les deux nations ; mais rien ne saurait justifier les européens d’avoir adopté leurs procédés féroces et méprisé toutes les lois de l’honneur.