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vif. C’est dans les eaux de la Baie Française que se sont joués les drames les plus émouvants de l’Amérique au dix-septième siècle. Il n’est peut-être pas de pays au monde où les vicissitudes de la guerre aient été plus tragiques que dans cette petite colonie, séparée du Canada par d’énormes distances et des forêts impénétrables, livrée à elle-même, jamais renouvelée ni renforcée par l’immigration, et ne recevant pas du dehors des secours proportionnés aux dangers de sa situation. L’Acadie était, ou pouvait être d’une grande utilité à la France ; sa position géographique constituait une menace constante pour le commerce et la tranquillité des établissements britanniques. C’était là que s’organisaient les expéditions aventureuses contre les colonies de la Nouvelle Angleterre ; là également que l’ennemi venait relancer la France. L’endroit était favorable à l’offensive, mais il prêtait aussi à l’attaque et à l’incursion étrangères. Que la France et l’Angleterre fussent en guerre ou en paix, ce fut souvent la guerre quand même pour la péninsule acadienne ; il suffisait d’un grief ou d’un prétexte quelconques pour déterminer des hostilités désastreuses. Boston d’un côté, l’Acadie de l’autre, faisaient quelquefois la guerre pour leur compte, sans se soucier que les deux couronnes eussent conclu un pacte d’amitié ; et nous pourrions ajouter qu’en certaines occasions le pays fut le théâtre de luttes fratricides prolongées entre les français qui se disputaient le droit de le gouverner.

Rien, à notre sens, n’est plus captivant que l’histoire de cette province de 1604 à 1710.

Elle est à l’Amérique ce que la Grèce est à l’Europe. La Baie Française évoque presque autant de souvenirs que la mer Égée. Les événements qui s’y sont déroulés furent si nombreux et si âpres, les personnages qui y ont pris part