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côté certains faits secondaires ou même importants. Il n’y aurait rien d’étonnant à cela, puisqu’il s’agissait de reconstituer un chapitre perdu avec des fragments échappés à la destruction. Si donc nos erreurs se sont glissées dans notre travail, nous sommes prêt à les reconnaître et à les corriger. Mais autre chose est ignorer un fait inédit et dénaturer ou passer sous silence une vérité que tout le monde connaît et qui s’impose à l’esprit.

La plupart des historiens ont cependant tiré des conclusions peu différentes des nôtres. Tout ce qui s’est écrit sur le sujet pendant au delà de cent ans procédait à peu près du même point de vue. D’abord vient Raynal, qui écrivait vers 1780, peu de temps après la déportation[1]. Son ouvrage —

  1. Raynal (Guillaume,-Thomas-François,) historien et philosophe, né à Saint-Geniez (Rouergue) en 1713, mort à Paris en 1796. Élève du collège des Jésuites de Pèzenas, il fut ordonné prêtre, devint desservant à Saint-Sulpice (1747), mais ne tarda pas à entrer comme rédacteur au Mercure de France et se fit bientôt connaître dans le monde des lettres et des philosophes. Il publia avec grand succès plusieurs ouvrages de 1748 à 1763. Raynal conçut alors l’idée d’un grand ouvrage pour lequel il reçut de toutes mains des idées, des documents, des notes, des chapitres entiers. Il le fit paraître sous ce titre solennel : Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes. (C’est de cet ouvrage qu’il est ici question). Des attaques contre la politique des peuples civilisateurs, contre le clergé, contre l’inquisition, en firent interdire l’introduction en France. Le Parlement, en 1781, ordonna que l’ouvrage serait brûlé par la main du bourreau, Raynal arrêté, et ses biens séquestrés. Celui-ci s’enfuit auprès de Frédéric II, puis de Catherine II. En 1787, il obtint de rentrer en France, et se retira à Toulon, chez l’intendant Malouet. Élu député aux états généraux, il se désista, à cause de son grand âge, en faveur de son hôte. Le 31 mai 1791, il adressa à l’assemblée Nationale une lettre dans laquelle il rétractait les principes qu’il avait défendus dans son Histoire philosophique.

    « L’abbé Raynal, abbé défroqué, médiocre historien polygraphe, devint tout à coup célèbre par son livre Histoire philosophique etc., paru en 1772, et qu’il ne signa qu’en 1780, dans la grande édition qui en fut donnée à Genève. Il y a dans cette histoire de l’histoire, de la géographie, des statistiques, des rensei-