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nées sans en rendre compte. En d’autres termes, le lieutenant-gouverneur Armstrong avait été concussionnaire.

Nous le demandons au lecteur, l’historien qui délibérément ne veut pas tenir compte des faits que nous venons de signaler, est-il en état de porter un jugement équitable ? Que si, non content de n’en pas tenir compte, il les dérobe au public, tronque les textes, mutile les documents, pour empêcher la vérité sur un personnage d’éclater dans tout son jour, ne manque-t-il pas au premier de ses devoirs ? Quand il s’agit d’un gouvernement dont le pouvoir s’incarne en un seul homme, je dis que le rôle de l’historien est de chercher d’abord à pénétrer le caractère de cet homme qui détient ainsi toute l’autorité. Ceci fait, il aura la clef qui lui permettra d’expliquer et de débrouiller bien des problèmes confus ; la psychologie du héros éclairera toutes ses actions.

Nous pourrions nous prononcer sur quelques-unes des difficultés avec lesquelles Armstrong s’est trouvé aux prises. Mais la chose n’est pas nécessaire. Il importe peu, au fond, que dans tel ou tel cas particulier, il ait eu tort ou raison. L’essentiel, pour le besoin de notre cause, était de prouver que son administration a été marquée par des troubles perpétuels, et que ce gouverneur a eu le don peu enviable de se créer des ennemis dans tous les camps : d’où l’on peut conclure que la faute en était à lui-même, à sa nature bouillante et désordonnée. Armstrong était un déséquilibré. Son caractère présentait un mélange assez difficile à analyser. Il était tour à tour tyran et bénévole. À côté de ses emportements et de ses brutalités, il montra quelquefois de la sensibilité, et un sincère désir de promouvoir les intérêts de la Province. Despote le plus souvent, il fut cependant le premier à suggérer aux Lords du commerce l’établissement d’un gouvernement représentatif dans la Nouvelle-Écosse ; et quand il se