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partie de ces jeunes gens n’étaient que des enfants de dix à douze ans, et par conséquent bien moins redoutables que des hommes mariés dans la force de l’âge et qui avaient de plus grands intérêts à sauvegarder, on ne peut comprendre ce raffinement de cruauté. Il faut laisser Winslow lui-même raconter cet incident ; « J’ordonnai aux prisonniers de marcher. Tous répondirent qu’ils ne partiraient pas sans leurs pères. Je leur dis que c’était une parole que je ne comprenais pas, car le commandement du roi était pour moi absolu et devait être obéi absolument, et que je n’aimais pas les mesures de rigueur, mais que le temps n’admettait pas de pourparlers ou de délais ; alors j’ordonnai à toutes les troupes de croiser la baïonnette et de s’avancer sur les Français. Je commandai moi-même aux quatre rangées de droite des prisonniers, composées de vingt-quatre hommes, de se séparer du reste ; je saisis l’un d’entre eux qui empêchait les autres d’avancer, et je lui ordonnai de marcher. Il obéit. » — Le reste des jeunes gens se résignèrent à suivre, mais non sans résistance, et avec des lamentations qui firent mal à Winslow lui-même. Une foule de femmes et d’enfants, parmi lesquels se trouvaient les mères, les sœurs, les fiancées de ces infortunés, étaient témoins de cette scène déchirante, et en augmentaient la confusion par leurs gémissements et leurs supplications. De l’église au lieu de l’embarquement la distance n’était pas moins d’un mille et demi. Elles s’attachaient à leur pas pendant tout ce trajet, en priant, pleurant, s’agenouillant, leur faisant des adieux, essayant de les saisir par leurs vêtements pour les embrasser une dernière fois.

« Une autre escouade, composée de cent hommes mariés, fut embarquée aussitôt après la première, au milieu des