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fut consumée une quantité considérable de blé et de chanvre. Des bois avoisinants, les pauvres habitants contemplaient, avec horreur et découragement, la destruction de leurs bâtiments et de leur ménage ; et ils ne s’avisèrent pas d’opposer aucune résistance, jusqu’au moment où l’on tenta d’incendier aussi leur chapelle. Cela leur parût une insulte ajoutée à tous les dommages qu’ils avaient déjà soufferts : alors, tombant à l’improviste sur le détachement trop occupé à exécuter les ordres qu’il avait reçus pour prévenir une surprise, ils tuèrent et blessèrent vingt-neuf officiers et soldats et allèrent se cacher à nouveau dans la forêt[1].

L’abbé Le Guerne, qui se trouvait dans le voisinage de Beauséjour avant et après la déportation, a raconté au long ces événements dans une lettre adressée à Monsieur Prévost, ordonnateur à l’Isle Royale, et datée de Bélair, vers Cocagne, ce 10 mars 1756[2]. En voici des extraits :

  1. Hist. of N. S. I. IV. P. 181-2. — Après avoir relaté en détail cet incident peu avantageux pour les siens, dans sa lettre à Winslow, (supra cit.), Speakman, que cette dure expérience a rendu craintif, ajoute : « The people here are much concerned for fear your party should met with the same fate (being in the heart of a numerous devilish crew) which I pray God avert. » — Mais nos lecteurs savent de quel côté se trouvait la bande de diables. En toute cette affaire de la déportation, les anglais se sont comportés comme des démons ivres. Et il faut être hypocrite et menteur en vrai diable pour renverser les rôles et ne pas admirer la beauté du geste des pauvres Acadiens, traqués comme des bêtes dans les bois, qui assistent sans murmurer à la ruine de leurs demeures et de leurs biens, et qui ne se portent à des représailles parfaitement légitimes que lorsqu’ils voient leurs ennemis s’en prendre à leur petite chapelle et la réduire en cendres.
  2. Nous donnons ce document in-extenso dans nos appendices. Ce que nous en citons ici est textuel, tandis que dans le MS. original — fols. 625-26, Richard, comme d’ordinaire, ne donne que la substance.