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Écosse, — fut définitivement cédée à l’Angleterre par le traité d’Utrecht. Il y avait longtemps que l’Angleterre disputait à sa grande rivale, la France, ce coin du pays. Et le fait est que, depuis sa fondation en 1610, l’Acadie avait été continuellement le théâtre de luttes entre ces deux nations, et dont l’objet était la possession de son territoire. Tantôt directement, tantôt par l’intermédiaire de ses colonies voisines, l’Angleterre, toujours tenace dans ses ambitions, avait organisé diverses expéditions dans le but de la conquérir. La fortune de ses armes avait eu des succès et des revers. Enfin, en 1713, le morceau tant convoité, et qui lui appartenait déjà de fait depuis 1710, lui fut régulièrement et définitivement cédé par le traité d’Utrecht. Il ne faudrait pas juger de l’importance de l’Acadie par sa dimension géographique. Géographiquement, et encore que son sol, dans la plus grande partie, soit extrêmement riche, elle ne justifiait pas l’âpreté avec laquelle l’Angleterre l’avait désirée, ni toutes les dépenses qu’elle avait faites pour ajouter ce lambeau à sa longue ligne de côtes. Au point de vue stratégique, la chose était bien différente. Établie là comme en un magnifique poste d’observation et de défense, la Grande-Bretagne pouvait y surveiller de plus près les opérations de sa rivale, empêcher ces incursions qui étaient parties de là ou qui avaient passé par là pour venir menacer ses colonies de la Nouvelle-Angleterre. Mais je crois que la raison profonde des sacrifices qu’elle avait consentis pour s’assurer ce domaine, est celle-ci : l’Acadie serait une pierre d’attente, le premier pas vers la réalisation d’un plan beaucoup plus vaste, lequel n’allait à rien moins qu’à s’emparer de tout le Canada, ainsi que les événements d’ailleurs l’ont bien montré. Ce n’est pas d’hier que l’impérialiste anglais, cette soif d’agrandissements que le temps et les conquêtes toujours nouvelles et plus amples ne semblent qu’accroître, est né.

En Amérique, c’est au détriment du domaine colonial ouvert par la France, que cet impérialisme allait se développer. La France a-t-elle su comprendre que les pertes qu’elle allait subir en ce continent auraient leur contrecoup sur sa situation européenne ? A-t-elle eu l’intuition que son prestige là-bas en serait diminué d’autant ? A-t-elle officiellement donné tout l’effort désirable pour empêcher, ou retarder du moins, l’exécution d’un dessein dont il était facile de deviner toute l’ampleur ? Nous n’avons pas à examiner ici ces questions. Ce qui est certain, c’est qu’en 1713, l’Acadie avec tout son territoire selon ses anciennes limites, fut cédée à la couronne de Grande-Bretagne.

Or, l’Acadie, possession anglaise, n’était peuplée que de colons français, gens industrieux, moraux, travailleurs, qui déjà avaient su rendre fructueux le sol qui était devenu leur petite patrie, race saine et forte aux vertus de laquelle même son plus féroce persécuteur rendra involontairement hommage.[1]

  1. « …it was judged (la Déportation) a necessary and the only practicable measure to divide them among the colonies where they may be of some use, as most of them are healthy strong people. » Circulaire du gouv. Lawrence aux gouverneurs du continent. N. S. D., p. 278.