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vant d’histoire que nous allons examiner ensemble. Et, pour procéder avec méthode dans nos recherches, nous étudierons aujourd’hui la déportation des Acadiens dans ses causes.


I


Qu’il nous soit d’abord permis de dire qu’il nous sera bien impossible, étant donné le cadre restreint dans lequel doit tenir cette conférence, d’appuyer nos assertions sur des citations nombreuses. Nous avons à faire la synthèse d’un travail considérable, et c’est à savoir que nous sommes obligé de ramasser notre matière et de la condenser, pour qu’elle ne déborde pas la limite nécessairement assignée à notre parole. Nous tenons à vous prévenir toutefois que toutes nos affirmations et nos considérations reposent sur la documentation la plus sûre et la plus irrécusable. Cette documentation est renfermée dans l’ouvrage auquel nous avons fait allusion tout à l’heure : ceux qui seraient désireux de contrôler les vues exprimées ici pourront l’y trouver.

La déportation des Acadiens est donc un fait extraordinaire, unique même. Pour être pleinement justifié au regard de la morale éternelle, il faudrait que cet effet eût eu une cause qui lui fût proportionnée. N’est-il pas requis par les lois divines et humaines, pour que l’idée de justice soit respectée, qu’un châtiment soit en harmonie avec l’acte qu’il est censé châtier ? La Justice est figurée tenant à la main une balance : signe qui indique que sa fonction est de peser équitablement les actions des hommes, de rétablir l’équilibre compromis par les infractions au devoir. Les peuples, comme les simples particuliers ont droit à la stricte justice. Nous ne sachons pas que les gouvernements soient dispensés d’appliquer à leurs administrés les seules mesures statuées par la véritable équité. Et par exemple, dans la répression d’un crime, aller bien au delà de ce que ce crime méritait, y apporter des sanctions qui le dépassent de beaucoup, ce n’est pas observer la justice, comme ce serait y manquer également que de faiblir devant le délit, et de le laisser se soustraire au droit commun. Or, cette dispersion violente de tout un petit peuple a-t-elle eu sa raison d’être en bonne justice ? Cette peine infligée à toute une race trouve-t-elle sa justification dans les faits délictueux que cette race a pu commettre ? J’insiste sur la nature tout-à-fait particulière du châtiment qui lui a été infligé. Après la peine de mort, c’est le plus grave. Ce châtiment était-il en rapport de proportion avec les actes qu’il était destiné à venger ? Y a-t-il eu seulement, de la part des victimes, des actes propres à autoriser une pareille et si épouvantable sanction ? Sinon, quels motifs apporter, non plus pour justifier — il ne peut plus être question de justification, — mais pour expliquer un tel châtiment ? Est-il possible de lui découvrir des excuses, des prétextes du moins plausibles ? Ou faut-il y voir une pure iniquité dont les auteurs ne se laveront jamais ?

En 1713, cette partie du continent américain appelée alors Acadie, — laquelle comprenait strictement la péninsule dite aujourd’hui la Nouvelle-