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sécheresse de cœur et la nue objectivité qu’un savant apporte à l’observation des espèces disparues ? Et quand ce pays est le sien, et qu’un gouvernement sans entrailles a voulu en faire un désert, qu’il s’est complu à en tramer la ruine, qu’il en a déraciné, par force et par ruse, les paisibles habitants, et les a semés aux quatre vents du ciel, sur des plages inhospitalières, n’est-il pas permis à celui qui retrace cette lugubre tragédie d’en ressentir quelque émotion ? Et si, pièces à l’appui, jouant cartes sur table, analysant les charges les plus violentes accumulées contre ses pères et contre sa race entière, il démontre l’inanité de ces accusations, il exonère les victimes, il stigmatise leurs oppresseurs, il prouve que la déportation de tout un peuple ne reposait sur aucune raison valable et qu’elle fut proprement un crime de lèse-humanité, nous le voulons bien, il fait un plaidoyer, un grand et magnifique réquisitoire, une œuvre de réparation et de justice, mais en même temps et avant tout ne fait-il pas de l’histoire, de la grande histoire ? Parce qu’il n’est pas impassible dans la question, faut-il qu’il soit partial, quand d’ailleurs les documents sont là pour étayer tous ses raisonnements ? Dans son Discours sur l’Histoire Universelle, Bossuet se fait l’avocat de l’action de la Providence dans les événements de ce monde. C’est là le fond et comme la trame sur laquelle se déroulent ces grandes fresques où revivent les âges depuis les temps les plus lointains. Ce Discours cesse-t-il, à cause de cela, d’être de la superbe histoire, véridique et majestueuse, comme jamais le génie humain n’en avait composée ? La Revue affirme qu’Édouard Richard n’avait pas la préparation requise pour assumer le rôle d’historien. Qu’elle nous explique alors comment il se fait que malgré cela il ait produit une œuvre magistrale qui fixe pour toujours l’opinion sur une question complexe ? Cela tiendrait donc du miracle. Ne juge-t-on pas de l’arbre à ses fruits ? Et si Acadie, en dépit de ses lacunes et de ses imperfections, est un travail qui semble bien définitif, c’est donc que, en dépit de la Review, son auteur avait les qualités qu’il faut pour bâtir l’histoire. Mais, puisque l’on était en frais de critiquer Richard, pourquoi, au lieu de s’appesantir sur des choses qui sont, en somme, des détails, n’avoir pas signalé le point vraiment faible et paradoxal de son œuvre, à savoir que la Métropole ne fut pour rien dans la déportation des Acadiens, laquelle aurait été accomplie par Lawrence et ses complices, à l’insu et contre le gré des autorités britanniques ? Ah ! c’est que cette incroyable manière de voir fait trop bien le jeu de messieurs les Anglais pour qu’ils pensent à y redire. D’où le silence là-dessus de l’écrivain de Toronto.

À notre tour maintenant d’être passé au crible de ce terrible Zoïle :

« Dans la version anglaise (p. 65) — dit-il, il y a cette constatation concernant la chute du Canada : « And when Canada in its turn yielded to the invader, it had only five or six thousand soldiers left to withstand sixty thousand of the enemy. » — Cette constatation est reproduite telle quelle dans l’édition française où elle est renforcée par une note marginale de M. d’Arles : « la petite armée des Français, décimée par quatre années de victoires, ne