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On eût dit que la raison les y attendoit pour leur découvrir leur démarche extravagante, que n’auroient-elles pas fait alors pour la réparer, je l’ai sçu d’un déserteur mais le mal ne souffroit plus de remède.

Le commencement de cette affaire arriva vers le dix d’Aoust, les femmes s’embarquèrent vers la Saint Michel, et enfin vers la my-octobre on les emmena avec leurs maris et environ cent quarante autres habitans qu’on a tous placés sur de nouvelles habitations à la Caroline. Ceux qui se sont embarqués au Port Royal et aux Mines ont été poussés à peu près par les mêmes motifs ; ils sont cependant plus excusables (sy cependant on peut blâmer de pauvres habitans d’ailleurs qui se sont trouvés sans force à la discrétion d’un ami traître et cruel) s’étant trouvés sans Missionnaire qui pût les conseiller et dans un éloignement qui rendoit leur évasion bien difficile.

Ils ont présentement tout le loisir pour regretter les offres que Monsieur Le Loutre leur avoit si souvent réitérées s’ils vouloient se sauver. On les a placés sur les côtes de Baston où ils ont le chagrin de voir jusqu’à leurs plus tendres enfans dispersés au service des particuliers de cette ville.

Tandis qu’une partie des Accadiens estoit dans la route d’Angleterre, (sic pour Nouvelle-Angleterre), un autre se rapprochoit des françois, les Cobéguites se rendirent sur l’Isle Saint Jean comme vous le sçavés.

Je fis passer aussy environ cinq cents âmes de l’environ de Beauséjour et de Tintamar sur la même Isle sous le bon plaisir de Monsieur de Villejoüin dont je ne sçaurois assez louer la politesse la bonté et la charité pour ces pauvres fugitifs.

Je passe rapidement sur ces faits qui vous sont connus pour ne point abuser de votre patience par une longueur outrée. Je me proposois d’être moins étendu, mais les faits sont tellement liés ensemble et se présentent s’y naturellement les uns après les autres que je n’ai pu tout à fait leur refuser l’entrée dans une relation où ils ont tous un égal droit de paroître, mais enfin il faut reprendre les derniers détails sur notre situation actuelle.

On compte icy comme je l’ay déjà marqué plus d’une fois deux cent cinquante familles dont la situation est fort à plaindre.

La résolution où est l’anglois de ne plus souffrir d’Accadiens dans ces cantons, les menaces réitérées qu’il fait d’ammener tous ceux qu’il pourra atteindre, la grande difficulté ou est le Canada déjà assez occupé d’ailleurs de leur fournir des troupes et des vivres, l’incertitude du succès en cas de guerre par rapport aux secours qu’on attend de France, la grande dizette et l’extrême misère dont on est menacé et qu’on éprouve même déjà en partie, toutes ces raisons jointes à une infinité d’autres dont le détail seroit trop long démontrent clairement à tous ceux qui réfléchissent la nécessité de travailler où ils sont, sans plus tarder, suivant les intentions ou moins provisionnelles de Monsieur le Général.

On devrait tous dans le printemps s’approcher du bord de la mer pour passer en Canada, mais deux raisons particulières nous ont engagé à prévenir