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force infiniment supérieure se retira prudemment de manière que l’ennemi jugea qu’il usoit de feint et n’osa le poursuivre.

L’Anglois eût quelques blessés et perdit deux hommes dont un étoit fort considéré de ses gens, tous les nôtres se retirèrent sains et saufs.

Entre tems vingt sauvages envoyés par Monsieur de Boishébert à la Baye Verte, y brûlèrent deux bâtimens, firent sept chevelures et un prisonnier qui a déclaré qu’on y travailloit fortement à faire des raquettes, et qu’il étont arrivé à Chibouctou des habillemens pour trois Régimens qui doivent venir ce printems d’Angleterre à l’Accadie.

Pendant son séjour dans ces quartiers, Monsieur de Boishébert a travaillé conjointement avec le Père Germain à la subsistance des familles les plus nécessiteuses et de quatre à cinq cents familles sauvages qu’il arrêtoit icy pour les parties. Les fonds qu’il avoit reçu cet automne de Canada ne pouvoient y suffire, il a fallu acheter plus de six cents bêtes à cornes, dépense qui a excédé plus de quatre vingt mille livres en trois mois et demy qu’il a été à Cocagne il comptoit y faire un plus long séjour, de nouveaux incidents l’ont rappelé incessamment à la Rivière Saint-Jean.

Le huit janvier il y est arrivé un petit navire chargé de trente deux familles du Port Royal qui fesoient nombre de deux cent vingt cinq personne, on les emmenoit à Baston mais s’étant écarté d’un gros bâtiment qui les convoyait ils se rendirent maîtres du navire où il n’y avoit que huit personnes d’Équipage et arrivèrent heureusement à la Rivière Saint Jean où ils sçavoient trouver un refuge.

Cette prise fut suivie de près d’une autre dont nous regrettons encore le mauvais usage, dix sauvages surprirent de nuit une grosse goélette dans le havre de l’Étang.

(a) Les sauvages en ont débarqué les meilleurs effets, et ont conduit le Bâtiment à la Rivière Saint-Jean, mais il n’y restoit plus qu’une petite quantité de lard et de rhum (a)

Cette prise étoit riche elle contenoit des effets, des provisions pour les officiers du Port Royal avec quelques lettres de conséquence et des Gazettes.

(a) La dernière gazette étoit du dix huit Décembre, elle rapportait que Monsieur de Rigaud gouverneur des Trois Rivière a esté tué dans la première bordée dans l’affaire où nous avons perdu deux vaisseaux et que Monsieur le Baron Dyesco que nous avons crû mort est dans la Nouvelle York et qu’on espère qu’il guérira de ses blessures. Il est encore mention dans les Gazettes que la Hollande veut garder la neutralité et que la reine de Hongrie veut interposer sa médiation. (b)

Mais faute d’un bon interprête on n’a pu les comprendre suffisamment, on a compris cependant que les Anglois ont été défaits vers le fort Saint Frédéric et qu’ils projettent d’établir à la Rivière Saint Jean à l’entrée du printemps comme un poste important, en quoy ils me paroissent bien connoître leurs intérests.