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coup toute l’amertume de nos souvenirs ; tout serait effectivement oublié, effacé ; le levain de haine qui fermente peut-être encore dans plus d’un cœur, se transformerait en un ferment de reconnaissance et d’amour, en un concert de louanges qui trouveraient un écho dans tout le monde civilisé ; et l’Angleterre en recueillerait les fruits bienfaisants chez tous les peuples qu’elle a conquis sans se les assimiler par les véritables liens, qui ne peuvent être que ceux qui émanent du cœur et de la reconnaissance. On tire grand orgueil parceque le soleil ne se couche jamais sur ses terres : cet orgueil ne tire sa satisfaction que d’un sentiment, celui de la force. Arrivera-t-il un temps où la civilisation aura fait assez de progrès, pour que l’Angleterre trouve plus d’orgueil à pouvoir se dire que le soleil ne se couche jamais sur une injustice commise par son gouvernement ? Arrivera-t-il un temps où tous ces emblèmes de bêtes féroces : dents, cornes, griffes, etc., etc., que l’on déploie orgueilleusement sur des chiffons, blancs, bleus, rouges, disparaîtront pour y être remplacés par des emblèmes plus en rapport avec une civilisation vraiment chrétienne !

Il y a cent trente-sept ans que nous, Acadiens, nous voyons le soleil se coucher sur cette injustice, que le souvenir de ces maux nous poursuit sans relâche. Souvent, il est vrai, les écrivains ont versé un peu de baume sur nos plaies, mais combien plus douce serait la pensée que cette injustice a été réparée ou au moins reconnue par le gouvernement lui-même ! Qu’elle serait grande notre joie si pareille consolation nous était offerte ! Puisque cette déportation fut exécutée sans cause, et contre les ordres de la Métropole[1], de

  1. En terminant, l’auteur revient à sa thèse favorite, oubliant jusqu’à la fin qu’il a omis de la prouver. Les documents que nous avons apportés à notre tour démontrent tout le contraire. Et la question est bien jugée, croyons-nous.