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« Quand un foyer a été ravagé, dit Smith, un compatriote de Parkman, et réduit en ruines par une soudaine calamité, il y a là, pour toute la communauté, une occasion de manifester sa sympathie. Ici, nous avons des milliers d’Acadiens exilés qui, dans un désastre commun, avaient tout perdu, de par un ordre de ceux qui avaient le pouvoir.

« Plus d’une mère a serré plus étroitement son enfant sur son cœur, au souvenir, encore frais à la mémoire de chaque lecteur, de ses ancêtres, qui pendant tant d’années avaient couru à la recherche d’un fils qui leur avait été ravi, jusqu’à ce qu’ils eussent dépensé toute leur fortune et que leur front présentât l’image vivante de la douleur : le sort de ces parents évoque la triste expérience de ces neutres Français, qui ont passé leur vie à chercher des membres de leurs familles, qui avaient été dispersés à dessein pour prévenir leur réunion. »

Il y a déjà près de deux mille ans que l’histoire, aidée par les poètes, perpétue le souvenir D’Énée fuyant sa patrie, portant sur son dos son vieux père Anchise. Bien des cœurs ont battu à la lecture de ce récit n’affectant que passagèrement l’existence de deux êtres ; ici, il s’agit de tout un peuple, il s’agit de malheurs intenses et prolongés qui ne sont en aucune façon comparables à celui du malheureux Énée ; il s’agit de malheurs infligés dix-huit siècles après l’ère chrétienne, dans un pays chrétien, par un peuple qui se targue d’être à la tête de la civilisation. Oh non ! M. Parkman ; continuez, si cela vous convient, votre œuvre de falsification, mais laissez les poètes et les romanciers à leur noble tâche ; laissez ceux dont l’âme compatissante vibre au récit des souffrances et des injustices imposées par le fort au faible, laissez les, dirons nous, ramener