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groupes qui demeurèrent comme des noyaux de colonies à venir. C’est ainsi que sur les bords du fleuve Saint-Jean, plusieurs familles se fixèrent sur les ruines des établissements qu’avaient occupés les français dans ce district, et où se maintenaient encore dans l’ancien fief Jemsek (de La Tour) et dans celui d’Ekoupag quelques rares familles Acadiennes.

« Lorsque la colonne des proscrits, éclaircie par les fatigues du voyage, atteignit les bords du Peticoudiac, il y avait quatre mois qu’ils étaient en route. Là ils purent enfin goûter quelques instants de repos et de consolation ; les premiers qui débouchèrent en bas des montagnes boisées qui bordent cette rivière rencontrèrent devant eux quelques hommes demi-chasseurs, demi cultivateurs, qui parlaient leur langue et parmi lesquels ils ne tardèrent pas à reconnaître des compatriotes et des parents ; c’étaient là les restes des anciens habitants de Memramcook, de Chipody et de l’isthme de Shédiac. Déjà l’on voyait des constructions et des défrichements s’étaler le long de la rivière, lorsque la troupe des captifs revenant des États-Unis les rejoignit à la fin de l’été de 1766.

« Quelle dut être touchante la rencontre de ces êtres dont les cœurs étaient dévastés par une calamité commune, après une séparation de onze années ! Ici, au moins, ils pouvaient un instant se reposer en paix de leurs extrêmes fatigues, sans le danger d’essuyer les rebuffades et la malveillance d’étrangers indifférents ou hostiles ; les amis qu’ils venaient de retrouver étaient eux-mêmes fort pauvres, mais leur accueil était cordial et sympathique.

« Malheureusement, après ce premier mouvement de joie, ils eurent à éprouver un grand serrement de cœur. Ils