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pouvait, selon les conditions normales, parvenir à Halifax vers le 15 ou 20 septembre, c’est-à-dire quarante jours avant le départ en masse des Acadiens : cependant, Lawrence n’y répondit que le 30 novembre, savoir trois mois et demi après qu’elle avait été écrite. Doit-on supposer que Lawrence la reçut dans les délais ordinaires, ou en tout cas avant l’embarquement général des proscrits, et qu’il n’y répondit que le 30 novembre, dans le but de laisser croire que, ne l’ayant pas eue à temps, il était excusable de n’avoir pas tenu compte de ce qu’elle renfermait ? Ou devons-nous plutôt penser qu’elle a subi un aussi long retard ? L’avait-il par devers lui, quand, le 18 octobre, il écrivait aux Lords du Commerce pour leur annoncer que la déportation était déjà, en partie, exécutée, — ce qui, du reste, était faux[1] ? Nous

  1. Cette lettre de Lawrence aux Lords of Trade, en date du 18 octobre, est dans Akins, p. 281-2. Cf. aussi Can. Archives (1894.) P. 207. H. 311. B. T. N. S., vol. 15. — Lawrence y dit en effet : « the embarcation is now in great forwardness, and I am in hopes some of them are already sailed, and that there will not he one (Acadian) remaining by the end of next month. »

    Or, ceci ne correspondait pas à l’état réel des choses ; la déportation était beaucoup moins avancée qu’il ne disait, et elle allait prendre beaucoup plus de temps qu’il ne croyait, pour diverses raisons, retard des vaisseaux nolisés à cet effet, mauvaise saison, etc, etc. ; elle allait aussi lui coûter beaucoup plus cher qu’il n’avait estimé, et cela, les fortes dépenses encourues pour l’exécution de cette œuvre pourtant si nécessaire à la sécurité des colonies britanniques, voilà ce qui provoquera des reproches amers de la part des Lords of Trade, gens avisés, pratiques, qui ne demandaient pas mieux que de voir la Nouvelle-Écosse débarrassée des Acadiens, à la condition que cela n’eût rien coûté, ou presque ! Oui, cette grosse question de dépenses, sera, pour Lawrence, dans les années qui lui restent à vivre, une source féconde d’ennuis : cela empoisonnera sa carrière. Le Home Government lui en voudra de n’avoir pas su accomplir, sans frais, la déportation, si fructueuse par ailleurs. Et les provinces où les Acadiens auront été déportés ne cesseront de réclamer au gouverneur de la Nouvelle-Écosse le remboursement des frais occasionnés par leur entretien. En sorte que la money question, sous toutes ses formes, sera l’épine qui torturera