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ment au moins que cette dispersion avait été cruellement exécutée, on s’étonna qu’ils eussent pu, de près ou de loin, mériter un châtiment aussi barbare ; on s’enquérit du caractère de Lawrence, de Belcher, de Wilmot, et la conviction se lit bientôt dans les esprits, qu’on se trouvait en présence d’un de ces crimes qui souillent l’histoire. La condamnation, — si l’on excepte un petit groupe à Halifax, — devint générale. Les écrivains, ou simplement ceux qui prennent intérêt aux choses de l’histoire, cherchèrent des éclaircissements en remontant aux sources. Les auteurs de la déportation, ou leurs fils, qui avaient la garde des Archives, ou y avaient un accès facile, s’émurent à leur tour ; il fallait s’expliquer, se justifier, ou faire quelque chose pour conjurer l’orage, amoindrir l’odieux et la honte qui menaçaient de les couvrir, et c’est alors que commença cette soustraction de documents qui paraît s’être continuée longtemps.

C’est évidemment cette condamnation générale qui provoqua ces soustractions ; autrement il faudrait supposer qu’on les pratiquait en vue de l’avenir, ce qui serait une preuve encore plus évidente de culpabilité et de la honte qu’on éprouvait.

Enfin, l’effroyable série de désastres qui, depuis onze ans, se précipitaient sur le peuple Acadien, commença à se ralentir. Après avoir été proscrits, transportés, retransportés, poussés et repoussés de misères en misères, ceux qui étaient restés en Acadie purent respirer un instant au milieu des ruines et des morts amoncelées autour d’eux. Chacun alors s’installa comme il le put, dans l’endroit où le sort l’avait jeté. Les prisonniers accumulés autour d’Halifax se portèrent : les uns à Prospect, au sud de la ville,