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c’était également, croyons-nous, le même Monckton qui avait établi ce fort Frédéric sur cette même rivière Saint-Jean ; en outre, il ne pouvait ignorer que ceux qui lui demandaient d’être réintégrés dans la possession de leurs terres étaient et ne pouvaient être que des Acadiens, étant donné que personne au Canada n’avait été dépossède de ses biens après la prise de Québec. Il est probable que plusieurs de ces malheureux avaient laissé leurs familles à Québec, en attendant leur installation sur des terres. Le moins que Lawrence eût dû faire, s’il fût resté chez lui un vestige d’honneur, eût été de leur permettre de s’en retourner à Québec.

Nous avons raconté, dans un précédent chapitre, qu’un groupe d’Acadiens, parmi lesquels se trouvaient notre ancêtre, Michel Richard, alors âgé de 15 ans, sa sœur Félicité, âgée de 11 ans, son grand-père René Richard, âgé de 79 ans, Madeleine Pellerin, âgée de 5 ans, qui devait devenir la femme de Michel Richard, avaient remonté la rivière St-Jean pendant ce même été de 1759, débouchant à Cacouna, sur le fleuve Saint-Laurent, vers la mi-octobre. Selon toute probabilité, ces deux groupes d’Acadiens, celui qui s’en venait en Canada et celui qui s’en retournait en Acadie, se rencontrèrent quelque part dans les environs de Cacouna. Cette rencontre ne pouvait que donner lieu à un échange de lugubres pensées, et il est facile de s’imaginer ce qui fit le sujet de leurs entretiens, après quatre longues années de misères. Cependant, tout n’était pas alors sans espoir : les uns se voyaient sur le point de rentrer en possession de leurs terres ; ils pouvaient légitimement compter qu’avec un travail ardu et persévérant, ils finiraient par reconquérir l’aisance des anciens jours ; pour les autres,