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ton,) et qui entretenait une garnison au fort La joie, dans l’Ile Saint-Jean. La prise de Louisbourg et la reddition de ces deux îles allaient fournir à Lawrence l’occasion qu’il attendait.

Louisbourg était à peine évacué que Boscawen — cœur-de-chêne — se présentait avec une flotte de transports pour enlever toute cette population. Prières, supplications, — rien ne pût toucher le cœur de ce « vaillant » patriote. Ces Acadiens avaient-ils commis quelque acte d’hostilité, — lequel eût été d’ailleurs justifiable, puisqu’ils étaient redevenus sujets français et qu’ils habitaient depuis neuf ans le territoire français ? Non ! S’étaient-ils présentés devant lui armés dans le but de lui offrir de la résistance ? Pas davantage. Mais qu’importait tout cela ? Pour Boscawen non moins que pour Lawrence, la question n’était pas là. Dès le principe, il avait été décidé qu’il ne resterait dans le pays pas un seul acadien, pas une de leurs habitations, pas un vestige propre à leur rappeler les lieux qu’ils avaient tant chéris, pas un nom qui pût informer les générations futures que ce pays avait été colonisé et habité pendant plus d’un siècle par un autre peuple. Le criminel n’efface-t-il pas, s’il le peut, tout ce qui dévoilerait son crime ? Le rapport officiel de Boscawen porte la population de l’Île Saint-Jean à 4100. Sans entrer dans les explications sur lesquelles s’appuie notre évaluation, nous avons raison de croire que celle de Boscawen était de beaucoup inférieure à la réalité[1] : le chiffre qu’il donne peut cependant s’expliquer par les départs qui s’étaient produits à la nouvelle de la chute de Louisbourg et avant son arrivée dans

  1. Cf. Rameau, II, XVI, tout le chapitre.