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les voyageurs se réunirent à un groupe considérable de fugitifs qui avaient échappé à la déportation. Voici comment Casgrain raconte cette émouvante aventure :

« Pendant que les transports cinglaient sur la baie de Fundy, un Acadien de Port-Royal, du nom de Beaulieu, ancien navigateur au long cours, ayant demandé au capitaine du navire où il était détenu, avec deux cent vingt-quatre autres exilés, en quel lieu du monde il allait les conduire : — Dans la première île déserte que je rencontrerai, répondit-il insolemment. C’est tout ce que méritent des papistes français comme vous autres. — Hors de lui-même, Beaulieu, qui était d’une force peu ordinaire, lui asséna un coup de poing qui l’étendit sur le pont. Ce fut le signal pour les autres captifs, qui probablement s’étaient concertés d’avance. Quoique sans armes, ils se précipitèrent sur leurs gardes, en blessèrent quelques-uns, et mirent les autres hors de combat. Beaulieu prit ensuite le commandement du transport, et alla l’échouer dans la rivière Saint-Jean, près de la mission que dirigeaient alors les PP. Germain et de la Brosse[1]. »

Il restait encore un petit groupe d’Acadiens dans la Péninsule, au Cap Sable, à l’extrémité sud-ouest de la province. Cette petite colonie était comprise dans la baronnie de Pobomcoup, propriété des d’Entremont, et habitée en

  1. Pèlerinage… Ch. V. P. 145. — Il est aussi question de ce fait dans une lettre des habitants de la rivière Saint-Jean à leur ancien curé, l’abbé Daudin, en date du 31 juillet 1756. L’abbé Daudin, passé en France, était mort quand cette lettre y parvint ; elle fut ouverte par l’abbé de l’Isle-Dieu et remise par lui au Garde des Sceaux. Elle se trouve aux Archives de la Marine. Paris. Casgrain la cite, ibid. p. 164 et seq. — Cf. également la Lettre de Le Guerne à Prévost.