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Abstraction faite de nos informations particulières, auxquelles il ne pouvait avoir accès, il me semble qu’il a pu en voir assez dans des relations de toute provenance pour se convaincre du contraire. Il y a des faits précis qui montrent que, même à Grand-Pré, on ne permit pas la réunion des familles ; cependant il est possible que beaucoup de ces séparations aient été plutôt dues à l’ignorance dans laquelle on tînt les Acadiens au sujet de leur destination. Pour leur faire accepter leur sort avec plus de résignation, on dût leur faire croire qu’ils seraient tous débarqués au même port : cela étant, il importait peu que les membres d’une même famille fussent ou non sur le même navire ; l’on se retrouverait au lieu de débarquement, et c’était là l’essentiel. Au reste, pour des gens aussi religieux qu’ils l’étaient, il y avait convenance à ne pas entasser pêle-mêle sur le même vaisseau des grands garçons et des grandes filles. C’est ce que fait comprendre très-clairement l’abbé Le Guerne ; mais Parkman, qui le cite sans le comprendre, donne à ce qu’il dit un sens tout-à-fait absurde : « Le Guerne, un prêtre missionnaire dans les environs, (Beauséjour,) rapporte, au sujet de l’embarquement, un incident caractéristique et triste : » La plupart de ces malheureuses femmes séduites par les fausses nouvelles, intimidées par des craintes spécieuses, emportées par un attachement excessif pour des maris qu’elles avoient permission de voir trop souvent, fermant l’oreille à la voix de la Religion, de leur missionnaire et à toute considération raisonnable, se jettèrent (sic) aveuglement et comme par désespoir dans les vaisseaux anglois au nombre de cent quarante. On a vu dans cette occasion le plus triste de ces spectacles, plusieurs de ces femmes n’ont point voulu embar-