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ment et de patience, où les parties arides ont leur place à côté de celles qui sont plus émouvantes. C’est pourquoi l’on le lit sans arrière-pensée[1], sans méfiance ; l’on se sent conduit par un guide sûr, un esprit élevé et perspicace qui recueille, analyse, expose sans fard ; et les documents habilement enchâssés viennent se ranger en pleine lumière dans un ordre parfait.

Il n’en est guère autrement de Murdoch, encore qu’il n’ait pas eu au même degré qu’Haliburton le tempérament et certains dons indispensables au bon historien. Comme valeur morale, (cela ressort de son ouvrage, et nous ne pouvons juger de lui que par là,) Beamish Murdoch ne le cédait à personne ; il serait difficile de concevoir un citoyen réunissant plus de précieuses qualités qu’il n’en avait ; mais quelques-unes de ces qualités, appliquées à l’histoire, devenaient des défauts. Ainsi, son extrême indulgence et son aimable bonhomie le portaient à tout excuser, à ne voir partout que de bonnes actions, ou du moins de bonnes intentions. Rarement trouve-t-il à blâmer, et quand il s’y décide, il cherche encore à amoindrir le poids de ses accusations par toutes les circonstances atténuantes que sa nature douce et bienveillante peut lui suggérer. Quelquefois même, il pousse cette disposition jusqu’à en devenir ingénieux : par exemple, après avoir montré Armstrong sous un jour qui en fait un odieux tyran, par un exposé franc et honnête de tous les documents qui le concernent, voilà qu’il l’excuse par des pertes d’argent subies douze ou quinze ans avant son sui-

  1. Dans le MS. original, — fol. 696, — après arrière-pensée, un trait au crayon conduit à la marge où se trouve la réflexion suivante : « Arrière-pensée convient plutôt à l’historien qu’au lecteur. »