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inquiet, superficiel, incapable de sortir du sillon où rampent les esprits vulgaires. L’homme d’état, le philosophe n’ont pas de ces aversions ; ils savent que tout évolue selon des voies diverses, et que l’évolution rapide n’est pas toujours la meilleure ; ils étudient le passé, le présent, cherchent à saisir les fils invisibles qui relient l’un à l’autre, pour en tirer des leçons utiles qui leur permettent de sonder l’avenir ; ils sont patients, indulgents ; ils savent que quelques années de plus ou de moins comptent pour peu dans l’histoire de l’humanité ; ils savent qu’à travers nos joies et nos déceptions, nos tâtonnements et nos succès, nous marchons toujours de l’avant dans le sens d’un progrès constant, qui nous rapproche de plus en plus de la perfection à laquelle la Providence semble destiner l’humanité.

Parkman ressent quelque sympathie pour les Canadiens des premiers temps de la colonisation française. Cet esprit d’aventure qui portait nos ancêtres vers les Grands Lacs, le Mississipi, les Montagnes Rocheuses, ne laisse pas de le charmer. Il ressent de la sympathie pour les Acadiens du temps de la Tour, de Denys, de Biencourt, alors qu’ils étaient coureurs-de-bois, qu’ils faisaient la traite des pelleteries, qu’ils étaient corsaires. Leur vie n’était ni morale ni civilisée, mais elle était remplie de mouvement. Or, Parkman ne semble pouvoir supporter la vie simple et paisible, fût-elle morale, heureuse, productive ; ce qu’il aime, c’est la vie intense, fût-elle d’ailleurs vicieuse, démoralisante, misérable, inutile. « La morale ! qu’est-ce que c’est ça ? » disait un brillant écrivain français ? « Les idées humanitaires ! qu’est-ce que c’est ça ? » dirait Parkman. Devant le spectacle de la déportation, et les malheurs qui en furent la conséquence, il n’est pas plus ému que le rustre ne l’est d’avoir