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de progrès matériel qui illustrera le dix-neuvième siècle. Tout était à cette pensée ; elle absorbait les esprits. Les continents sillonnés de chemins de fer et couverts de réseaux télégraphiques, les océans labourés par les bateaux à vapeur, étaient des réalisations qui laissaient entrevoir des développements prodigieux en ce sens. L’esprit activé multipliait ses efforts dans toutes les directions ; l’industrie prenait un essor rapide ; la richesse publique s’accroissait dans des proportions inespérées. Parkman s’éprit de tout cela, au point d’en mépriser le reste : de là son antipathie pour le « moyen âge » ; de là sa répugnance pour l’humanitarisme de l’avenir[1]. Il s’est rivé à l’idée qui régnait lors de son éveil à la vie ; rien ne l’en a détaché. Et cependant le monde a marché depuis, les idées ont fait du chemin. Ce grand mouvement dont nous venons de parler était bien propre, nous le concevons, à susciter l’enthousiasme, à absorber les esprits ; mais, pour le bien juger, il fallait attendre ses fruits, ses conséquences. Pour la masse, il devait produire la richesse, et cela suffisait ; pour eux, c’était là le grand côté de la question. Parkman semble s’être arrêté à cet aspect, sans pouvoir faire un pas de plus. Oui, ce mouvement a donné la richesse ; mais a-t-il assuré une distribution plus équitable des biens de ce monde ? A-t-il amélioré autant

  1. Cette affirmation est bien étrange. L’humanitarisme est bien XIXe siècle. N’est-il pas le produit direct et ridicule de la Révolution ? Qu’étaient les Saint-Simoniens, les disciples de Fourier, si ce n’est les tenants de ce système qui a précisément fleuri en plein milieu du XIXe siècle ? L’humanitarisme n’était donc pas une chose de l’avenir, mais du présent. Seulement, l’on pouvait être de son temps, et ne pas accepter pourtant cette chimère. Pour nous, Parkman n’est pas à blâmer de n’avoir pas versé dans cette lubie, véritable parodie d’un sentiment vieux comme le christianisme, toujours ancien et toujours nouveau cependant, — la charité.