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par conséquent, sur un territoire réclamé et occupé par la France ; et leur patriotisme, si ardent qu’il fût, était justifiable et même honorable. Si leurs actions ne le furent pas, alors, qu’on les condamne. Et c’est par ce que celles de Le Loutre ne l’ont pas été, que nous les qualifions avec la sévérité qu’elles méritent. Mais il est souverainement injuste à leur égard de laisser le public sous l’impression que ces missionnaires étaient accrédités auprès de leurs compatriotes de l’Acadie anglaise ; ce qui changerait les choses, et rendrait blâmable un sentiment honorable, ou donnerait un caractère odieux à un acte simplement digne de blâme[1].

Cette distinction essentielle ne pouvait cependant pas, il nous semble, échapper à l’attention des historiens, et à Parkman moins qu’à tout autre, puisqu’il s’est particulièrement appesanti sur les faits et gestes de cet abbé Le Loutre. Il paraît, au contraire, avoir tout fait pour augmenter cette confusion. Ainsi, lorsqu’il nous dit que Le Loutre était Grand-Vicaire de l’Acadie ; que les sauvages dont il était missionnaire demeuraient à une journée de marche d’Halifax, sur les bords de la rivière Shubénacadie, donnant par là à entendre que ce prêtre lui-même y résidait, Parlanan

  1. C’est là une belle page, et juste, et pleine de sens. Mais qui ne voit que ces considérations atténuent singulièrement la portée de ce que l’auteur a dit précédemment, et même qu’elles impliquent contradiction ? Après s’être emporté contre Le Loutre, voici maintenant qu’il déclare que ce missionnaire, étant en territoire français et relevant des autorités françaises, a montré un patriotisme justifiable et honorable. Que si le principe qui a fait agir ce missionnaire était en tous points honorable, puisqu’il procédait de l’amour naturel de sa patrie, d’où vient que Richard ajoute que ses actions mêmes furent injustifiables, et qu’il se réserve de les qualifier comme elles le méritent ? C’est que Le Loutre alors serait allé trop loin, et aurait commis des excès de nature à compromettre un sentiment beau en soi. L’auteur d’Acadie va essayer de le prouver. Nous l’attendons à l’œuvre.