Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette influence des Français sur les sauvages de ces régions se voilait sous d’habiles déguisements, mais nous savons assez ce qu’elle a produit pour lui donner sans réserve notre désapprobation. L’instrument dont se servirent les Gouverneurs du Canada, pour mener à bonne fin cette politique coupable et funeste, fut précisément cet abbé Le Loutre, dont nous venons de parler. Son zèle aveugle, ses intrigues en vue de pousser les sauvages à inquiéter les colons amenés par Cornwallis, ses moyens injustifiables pour forcer contre leur gré les Acadiens à passer la frontière, méritent également condamnation, et particulièrement celle des Acadiens mêmes.

Qu’il nous soit permis, entre parenthèses, de noter un fait important, et qui n’a jamais été clairement expliqué. Tous les historiens parlent des abbés Le Loutre, Germain, Maillard, Le Guerne, comme s’ils avaient été missionnaires chez les Acadiens qui étaient en territoire anglais. Leurs efforts pour servir les intérêts de la France sont interprétés de ce chef comme des actes indignes. Pour éviter la confusion que ces écrivains font naître, nous devons dire qu’au-

    voit où il veut en venir : faire le procès de ce pauvre abbé Le Loutre « d’où est venu tout le mal », coupable, selon lui, de s’être servi des Indiens amis de la France, dans un but uniquement politique. Le raisonnement de l’auteur d’Acadie pèche par la base. Mais quoi ! aurait-il voulu, par hasard, que la France n’eut pas essayé de reprendre ce qu’elle avait perdu ? Surtout quand elle savait ce que les autorités anglaises tramaient contre ses enfants, exilés dans leur propre territoire ? Et puisque les Français, ici et au Canada, avaient toujours traité assez humainement les Sauvages pour s’en faire des amis, quel mal y avait-il de leur part à les employer pour tâcher de reconquérir un morceau perdu de la patrie ? Depuis quand est-ce un manquement à l’honneur de faire appel à des alliés pour tâcher de réparer avec leur aide des infortunes passées ? Les Français y avaient d’autant plus de droit que l’Angleterre méconnaissait ses promesses envers les Acadiens et qu’elle se préparait sournoisement à leur faire subir, en retour de leur loyauté, un châtiment inique.