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Il me marqua par là même qu’il me loissait libre de me mêtre en camp volant dans l’endroit que je jugerais le plus convenable et même de m’en retourner à Québec, ne pouvant me donner pour le présent aucuns secours toutes les troupes et milices étant en campagne je prit cependant le party de rester jusques à l’automne, espérant que nos affaires pouvoient assés bien tourner pour avoir du secours d’icy à ce temps.

Le dix-huit aoust ayant apris que la plus grande partye des Accadiens de la prise [sic pour pointe] de Beauséjour étoient faits prisonniers et prêts à être embarqués pour être transférés dans des pays étrangers, et les autres retirés dans les bois exposés à toutes sortes de misères, je formay le dessein de les aller secourir avec ma petite troupe joint aux sauvages de cette rivière, formant en tout un détachement de cent vingt cinq hommes.

Le vingt je party pour Petkekodiaque, j’arrivay le sixième de mon départ, je parcourut tout les endroit où je crut pouvoir trouver les ennemis cherchant toujours l’avantage mon détachement n’étant point considérable, ayant apris qu’il étoit party trois bâtiments du fort Beauséjour avec un détachement de trois cent hommes pour brûler les habitation de Chipoudy et ensuite celles de Petkekodiaque et autres, j’y traversay la nuit en canot, je ne put les empescher de brûler toutes les habitations de cette première rivière, se transportant avec leurs chaloupes plus facilement que je ne pouvois le faire dans les diférens vilages.

Ne pouvant réussir je revint à Petkekodiac, les Anglois y vinrent le landemain et montèrent le plus haut qu’ils purent avec le flot et anvoyèrent leurs chaloupes pour brusler en descendant, ce qui fit que je les joignit à un des villages le plus considérable, je donnay sur eux vers quatre heures après midy, l’action fut assez vive de part et d’autre pendant une demie heure et dura trois heures environ, enfin ils prirent la fuite voyant que j’en vouloit venir aux mains, je les poursuivis jusques à leurs bâtiments, les uns se jetant à la mer pour pouvoir y gagner les autres tombant morts ou blessés dans la vase, ils firent voile à mer haute pour Beauséjour, après nous avoir tiré plusieurs coups de canon qui n’eurent aucun effet, ils sortirent de la rivière n’ayant pu mètre le feu qu’à six maisons avant que je put les rejoindre je couchay la nuit où l’action s’étoit passée.

Les Anglois ont perdu sur le champ cinquante hommes, le Colonel de leurs troupes légers et un officier, soixante blessés qu’ils avoient après avoir gagné leurs bâtiments de trois cent qu’il étoient, j’ay perdu un homme, trois blessés très dangereusement et plusieurs autres qui ont reçu des coups fort légers.

Les Accadiens sortirent pour lors des bois et recueillirent leur bled pour pouvoir subsister j’encourageay les uns à prendre patience en attendant ceux qui pouvoit les venir tirer de leur captivité sous laquelle ils gémissent, j’engageay trente familles les plus embarrassées à venir à la Rivière Saint-Jean où je me suis rendu le douze Septembre le vingt-deuxième que j’en étoit party.

Le vingt-trois Septembre j’écrivit à Monsieur de Vaudreuil et luy rendit compte de ce qui venoit de se passer, de la situation de mon poste, de la nécessité