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Baye Verte et qui doivent prendre les bœufs et moutons qu’ils pourront trouver à Beaubassin, ils payent partout bien gros, sèment et n’épargnent point l’argent. Les anglois qui étoient à Louisbourg vont à Chibouctou, ces messieurs comptent avoir 2,000 soldats pour mettre les habitans à couvert des incursions des Sauvages.

Les anglois font tout ce qu’ils peuvent pour gagner les Sauvages de l’Acadie ; ils chargent de présens tous ceux qu’ils peuvent rencontrer, ils voudroient les avoir pour amis, tandis qu’ils se bâtissent et se fortifient, les anglois doivent faire hiverner une partie de leurs troupes dans les Mines pour contenir les habitans françois et éloigner les Sauvages, et une fois établis aux Mines et à Chibouctou ils doivent passer à Beaubassin et faire un fort à la Baie Verte.

Voilà, Monseigneur, le dessein des anglois et la situation de l’Acadie les habitans françois sont dans une consternation générale, ils se voient à la veille de se voir anglois pour la vie et pour la religion ou de quitter et d’abandonner leur patrie, les anglois ont chassé Monsieur de la Goudalie des Mines, ils ne veulent pas souffrir Monsieur Brossart[1] envoyé de Québec à Beaubassin.

Monsieur de Miniac repasse en France pour ses infirmités, il ne reste plus que Monsieur Desenclaves au Port Royal, Monsieur Chauvreulx à Pegiguitk, et Monsieur Girard à Cobeguith, les anglois font assez entendre qu’ils n’en veulent pas d’autres et une fois bien établis ils trouveront quelque prétexte pour chasser ceux qui y sont présentement.

Votre Grandeur me permettra de lui représenter que suivant le traité d’Utrecht les anglois doivent laisser les Accadiens paisibles sur leurs biens et dans le libre exercice de la Religion Catholique et en conséquence souffrir des missionnaires pour les instruire.

J’ay vu Monsieur Desherbiers, MM. Bigot et Prevost qui m’ont promis tous les secours pour conserver les Sauvages dans la religion et la fidélité qu’ils doivent à Sa Majesté, je vais partir en conséquence pour l’Acadie, je feray mon possible pour rassembler mes Sauvages et comme on ne peut s’opposer ouvertement aux entreprises des anglois, je pense qu’on ne peut mieux faire que d’exciter les Sauvages à continuer de faire la guerre aux anglois mon dessein est d’engager les Sauvages de faire dire aux anglois qu’ils ne souffriront pas que l’on fasse de nouveaux établissements dans l’Acadie, qu’ils prétendent qu’elle doit rester ou elle étoit avant la guerre, que si les anglois persistent dans leur dessein les Sauvages ne seront jamais en paix avec eux et leur déclareront une guerre éternelle.

Mes Sauvages en conséquence vont envoyer des députés chez les autres nations pour les convier de s’unir avec eux afin de s’opposer aux entreprises des anglois et de les empêcher de former leurs établissemens.

  1. L’abbé François-Xavier-Nicolas-Marie Brassard, né le 2 décembre 1721 et ordonné le 19 décembre 1744. Il fut le 4e curé de la paroisse de Saint-Augustin, P. Q., où il décéda le 26 juillet 1765 ; il desservait cette paroisse depuis 17 ans 4 mois et 10 jours.