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tants qui sont en assez grand nombre n’en sont pas moins françois et placés sur terre de france comme il est assez facile de s’en convaincre en jetant les yeux sur le traité d’Utrecht et sur toutes les cartes antérieures à ce fastueux empire anglais et même sur les livres de géographie où l’Acadie est, ce me semble, toujours qualifiée de presqu’isle ; il en est ainsi dans toutes les cartes imprimées dans leur pilote anglois quoi qu’elles soient très nouvelles et qu’elles leur donnent les unes plus, les autres moins de notre terrain mais aucune que j’aie vu n’a encore poussé la fraude jusqu’à étendre le nom d’Acadie en dehors de la presqu’isle.

Plus on étudiera cette matière, plus on verra que par le traité d’Utrecht, en cédant aux anglois l’acadie suivant ses anciennes bornes on n’a rien cédé du continent du Canada et que les anciennes bornes de la Nouvelle France et de la Nouvelle Angleterre qui ont été posées d’un commun accord au Kinibeki en 1700, et n’ont point été ébranlées. Ainsi, bien loin que Mr  de Boishébert soit sur leur terrain à Medoctet et à Menacouche, ce sont eux qui pendant la dernière paix ont bâti sur le notre le fort Saint-Georges près de Kinibeki et Chouaguen sur le lac Ontario et nous sommes en droit d’en demander la restitution.

Je ne dis rien de leur récrimination contre le fort S. Frédéric, elle n’a pas le moindre fondement, étant connu de tout le monde non seulement que ce lac a été découvert par le Sr. Champlain avant qu’aucun anglois ou flamand en ait approché, mais encore que nous avons conquis sur les Iroquois tout ce canton, et jusqu’au village des anniers inclusivement, et que depuis plus de cinquante ans on a regardé de part et d’autre, par une convention tacite, la hauteur des terres en cet endroit comme la borne entre les françois et les anglois ce que ces derniers ont du trouver alors avantageux, puisqu’en vertu de nos expéditions contre les villages Iroquois nous pouvions pousser beaucoup plus loin nos prétentions. Aussi quelque nuisible qu’ils aient prévu que leur serait le fort St-Frédéric, ils n’ont fait que je sache aucun acte contre son établissement, au lieu que M. le Mis de Vaudreuil s’est toujours plaint du fort Saint-Georges et que M. le Marquis de Beauharnois a protesté contre celui de Chouaguen.

Il seroit bien à souhaiter qu’on ne s’en fut pas tenu là, surtout à l’égard de ce dernier. Il n’y a nulle apparence que l’Angleterre eût voulu soutenir ce poste, l’usurpation étoit trop manifeste mais enfin il ruine et ruinera de plus en plus cette colonie ci non seulement parce qu’il lui enlève une grande partie des pelleteries mais par l’esprit de révolte qu’on y inspire aux sauvages au milieu même de la paix.

Ce que je dis ici sur Chouaguen n’est pas si étranger à mon sujet qu’on le croirait d’abord. Quoique nos raisons pour revendiquer ce poste et celui du fort Saint-Georges près de Kinibeki soient très bien fondées en justice on ne peut guère se flatter de les faire goûter en Angleterre, mais peut-être qu’en mettant notre droit dans toute son évidence et en relâchant une partie on pourroit obtenir l’autre, c’est-à-dire qu’en consentant que le fort Saint-Georges restât aux anglois ils pourroient peut-être nous rendre Chouaguen.